jeudi 21 mars 2013

Rez & Child of Eden

Rez est un shooter en 3D sorti sur Dreamcast, puis sur PS2 et récement sur PSN et Xbox Live, où l'on controle un personnage en fil de fer volant dans un univers informatique et tirant sur des entités à l'aide d'un viseur capable de verrouiller 1 à 8 cibles avant de faire feu. Le personnage peut évoluer en récupérant des power-up, chaque nouvelle forme ne servant qu'à rajouter un point de vie au joueur, qui reviendra au stade précédent lorsqu'il se fera toucher. Quatre missions sont proposées au joueur, où la musique, chaque fois différente, s'associe au gamemplay en activant les tirs sur le tempo. Une fois ces niveaux explorés à 100%, un dernier monde est accessible, d'une durée de presque une heure, et terminant par un boss loin d'être évident. Voilà ce qu'est Rez d'un point de vue purement objectif.




Mais l'objectivité n'existe pas, et Rez l'a bien prouvé lors de sa sortie. Plein de gens l'ont détesté : trop court, trop simpliste, trop bizarre. Ils avaient raison dans leur tête, et dans la mienne j'ai aussi raison en affirmant qu'ils avaient tort car Rez est grandiose. Rez est un voyage dans un monde qui n'existe pas, une quête initatique mystique étrange et inquiétante, plein de symbolique et de mystères. D'une pureté parfaite et d'une profondeur magique. Un gameplay très sommaire : tirer sur des formes géométriques qui s'animent et s'envolent, et qui parfois vous heurtent et vous font régresser, un personnage principal muet et changeant, dont les tirs semblent être animés d'une vie propre. Une grande place à la musique, minimaliste mais hypnotisante, d'autant plus qu'elle s'accorde magnifiquement avec l'ambiance et le système de jeu. Rez est une clef vers quelque chose d'immortel et de fascinant, emballé à la perfection. Tout est y cohérent : bande son, graphismes, gameplay, même le menu et l'écran titre. Tout est sobre et pourtant dense, chaque ligne semble regorger de secrets et le joueur passioné pourra relancer presque indéfiniment les quatres niveaux sans se lasser et en cherchant une signification aux adversaires ou aux décors.

Et puis ce cinquième niveau, moitié du jeu à lui tout seul, racontant soudainement une histoire : celle de l'évolution humaine, ou presque, pas vraiment, dans un ballet de formes cubiques vivantes, des phrases apparaissent, un récit se forme et se déforme, le jeu nous interpelle directement, une immense femme blanche hurle au milieu d'une pièce gigantesque, il lui manque des bouts de corps et de visage, et elle semble prisonnière. Nous battons-nous pour la sauver ou pour la détruire ? Qui est l'ennemi ? La jaquette nous parle d'internet de la synestésie, mais on s'en fiche, derrière l'écran se cache une signification divine et spirituelle, le monolyte noir qu'est ma PS2 me murmure des choses mystiques derrière les rythmes sales de la musique, la lumière sort des murs et mes yeux se révulsent, j'atteint le Nirvana vidéo-ludique et tout n'est plus qu'énergie, la dernière forme d'évolution atteinte le monde est une sphère battante, tout est connecté, la tête de tout le monde explose et les crédits passent dans le chaos purifié dans lequel baignent nos âmes libres.




Annoncé en 2010, Child of Eden se veut être l'héritier de Rez sur consoles nouvelle génération. Joie, félicité, retour de l'enfant prodige en fils de fer ! Les premières images montrent des choses prometeuses : des centaines de cubes dansant à l'unisson dans des lumières colorées et une baleine translucide. Les croyants sont en liesse, d'autant plus que si un REZ 2 aurait sans doute été ridicule, il y a ici changement de titre, l'ambiance sera différente, ce ne sera pas une suite commerciale mais spirituelle, vite je veux y jouer, je veux y jouer !! Puis le jeu sort, et étrangement, comme si j'en avais peur, je ne l'achète pas. Je le regarde dans les présentoirs et je scrute les screens au dos de la pochette, mais un infâme doute s'immisce en moi : et si il était mauvais ? Si la flamme sacrée avait disparue ? A quel niveau de déception mon esprit résisterait-il avant d'être brisé comme un vulgaire petit bout de bois ? Alors j'attend.

Presque deux ans plus tard je n'ai pas oublié l'existence de Child of Eden, mais lui a disparu des rayons. Je le retrouve finalement au fond d'un bac de jeux en promo, la boite abimée et le regard triste de l'enfant mal aimé : il est temps de mettre fin à l'angoisse que représente ma relation avec ce jeu auquel je n'ai pas joué : je le prend avec moi, prêt à lui donner sa chance. Je met la galette dans le galet sombre qu'est la PS3, et je souffle très fort. La suite de Rez, bon sang, ça fiche les pépéttes.




Le jeu commence très mal, c'est édité par Ubisfot (sigh) et il a besoin d'installer des trophées (re-sigh). Mon coeur s'arrête : l'écran titre est statique, et tout moche. Je crois que c'est là que j'ai su, si il ne pouvait être parfait il ne serait pas bon du tout. Et si Rez me captive encore dès que je l'allume, Child of Eden me désespère dès le début. Le jeu enchaine sur une cinématique filmée avec une chanteuse de J-Pop (la même que dans le clip disponible dans No More Heroes), puis sur un écran de sélection de niveau tout lisse et mettant en scène la même jeune fille. Qu'est-ce qui cloche chez vous les développeurs ? Vous me voulez du mal ?? Ou il y a un message caché sur le thème de la déception et du goût amer et triste de la vie, des choses qui changent et de l'impossibilité de faire deux fois le même exploit ?

Après je joue, et objectivement Child of Eden n'est pas un mauvais jeu. A 60€ sa durée de vie rachitique est un scandale, son système de trophées inutile et même relou, l'omniprésence de la chanteuse japonaise pénible, la disparition de l'avatar et de ses évolutions vraiment dommage, mais bon. Le soft reste amusant et demande de vrais réflexes. Les niveaux sont inventifs, et certains même réussis (j'aime bien le quatrième), la musique passe et les graphismes sont graphiques. Objectivement Child of Eden n'est pas un mauvais jeu, mais l'objectivité n'existe pas, et subjectivement je le déteste un peu. Je ne le déteste pas pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il n'est pas. Il n'y a ici plus rien de ce qui faisait Rez, tout le mystère s'est envolé et a laissé la place à une gentilesse candide totalement creuse incarnée par une japonaise en nuisette qui chante un coulis mièvre de paroles en anglais. Si je voulais être complet sur Child of Eden j'aurais beaucoup d'autres choses à dire, mais je n'ai pas envie, je l'ai depuis quelques semaines et je n'y jouerais sans doute plus jamais. La nostalgie aidant, Rez était le coté sombre et bizarre de la fin des années 90, alors que Child of Eden est tout ce que je n'aime pas dans cette nouvelle décenie : un produit sans aspérités, qui tente d'être étrange sans arriver à être surprenant. Un placement produit bien-pensant, une coquille vide et qui me rend triste.



Tous les screens viennent de jeuxvideo.com

3 commentaires:

  1. Excellent article qui vient de répondre à ces nombreuses questions que je me posais alors qu'il y a quelque temps on me clamait la qualité de l'OST...
    Mais bon, je vais tout de même vouloir mettre la main dessus... je le sais...

    Sinon, petite grosse erreur : "les graphismes sont graphiques"

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  2. Non non c'est pas une erreur c'est tout à fait ce que je voulais dire.

    Merci pour le commentaire!

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  3. Je partage largement votre opinion; probablement la meilleure partie de Child of Eden est le 6eme niveau, optionel, qui évoque beaucoup plus le style visuel/sonore de Rez: http://www.youtube.com/watch?v=_3M2ZpQZLTI

    Sinon, il faut aller voir dans les jeux indépendants...Vous connaissez Synaesthete? Il a été directement inspiré par Rez: https://www.digipen.edu/?id=1170&proj=383

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